-A quoi bon me le demander alors ?

Sur ce il mit en marche le moteur de son embarcation, quittant le quai il navigua vers le large. Un long silence s’instaura, la piazza San Marco loin derrière eux , Fabrecce s’enquiert soudain :

-As-tu trouvé cette inconnue, Paolo ?

 Di Balme dévisagea un court instant Sandro, puis lentement, il répondit :

-Non.

- Pourquoi la cherches-tu ?

Paolo le regard sur le gouvernail, se tint silencieux. Le dévisageant longuement, Sandro dit finalement :

-Tu ne m’as pas dit où et comment tu l’as vu cette dame ?

 Son ami se départit de son mutisme en disant :

-Parce que cela ne me concerne que moi.

-Donc tu ne veux pas en parler à moi ton ami et frère ? Fit secrètement vexé Fabrecce.

Paolo Di Balme après un nouveau silence fit le ton franc et amical :

-Alessandro il n’y a pas meilleur que toi pour savoir que je ne suis pas homme à prendre à la légère une chose aussi sacré que le sentiment le plus noble, le plus pur dont Dieu nous a fait don.

Fabrecce se sentit ébranlé par ses paroles, se pouvait-il que Paolo Di Balme qu’il croyait le plus proche de lui s’est épris d’une personne dont il concevait difficilement l’existence ? Il réfléchissait « Avec Paolo, il est impossible d’être terre à terre et ce qu’il vient de me révéler maintenant est tout ce que je pourrais m’attendre à entendre de lui, il n’est pas  homme à se livrer, ce serait lui ôter toute raison d’être. »

Il décida d’aborder un autre sujet :

-Tu es un ennemi déclaré de notre civilisation telle  que nous l’avons conçus, tu es un homme qui croit qu’une société humaine ne peut pas survivre sans un pacte moral, n’est-ce pas ?

  - Oui . Finit par dire Di Balme.

-N’es- tu pas trop exigeant ?

-Non je ne le suis pas, je suis seulement honnête envers moi-même et envers le Dieu dans lequel je crois.

Un silence se fit entre les deux amis, Sandro avait été frappé par la dernière phrase :

-Que veux-tu dire par le «  Dieu dans lequel tu crois »  Paolo ?

-Je te l’expliquerai une autre fois Sandro. Répondit le jeune homme en amorçant un demi tour pour s’engager dans un des rio.

- Et où va-t-on maintenant ? Fit Fabrecce.

-A la bibliothèque de la commune de Venise. Répondit son ami.

Une semaine s’écoula. Un matin, Paolo apparut à l’heure du déjeuner, sa tante l’accueillit ravie. Quelque chose dans l’attitude du jeune homme l’intrigua par ailleurs, comme toujours il était calme, cependant ses yeux brillaient d’un éclat particulier. Au sortir de table après un délicieux dessert, la vieille dame perçut le son d’une sonate de Verdi, c’était la mélodie de communication de Paolo.