Selma Omarti obtempéra, le moteur vrombit. Levant les yeux sur lui sans le voir, elle dit :

-Je ne sais comment vous remercier monsieur …elle marqua un arrêt

-Je m’appelle Paolo Di Balme. Dit le jeune homme croyant que son interruption était du au fait qu’elle ignorait son nom.

La jeune femme ne sachant que faire, son sauveur en lui révélant son nom s’attendait à ce qu’elle fasse de même, perspicace, Di Balme dit à cet instant :

-Je vous en prie, signorina il n’est pas nécessaire que je connaisse votre nom et ne me remerciez pas, toute autre personne que moi aurait agi de la même façon.

Elle répondit :

- Je ne vous serez jamais assez reconnaissante, que Dieu vous protège monsieur, adieu .

Paolo Di Balme sourit :

-Au revoir, et que Dieu vous garde aussi.

Il avait voulu ajouter qu’il était probable qu’ils se reverraient prochainement mais la jeune femme s’était éloignée rapidement. Il demeura planté là, longtemps. La veille, il réfléchissait au moyen d’accoster Selma Omarti et voilà que Dieu a arrangé si bien les choses, il était passée  par le petit rio voulant rentrer pour accompagner Eleonore au vernissage de Belli et apercevant la vedette et la silhouette de Selma immobile sur l’eau l’expression de son visage anxieux, il s’était porté aussitôt à son secours.

Durant tout le trajet jusqu'à la station d’essence, il avait oscillé entre son désir de lui parler de faire plus ample connaissance avec elle et entre la peur de se heurter à un refus poli.  

Selma avait gardé le silence, elle n’avait pas une seule fois tourné son regard vers lui et il avait profité de l’occasion pour l’observer attentivement. Un étrange rayonnement émanait de sa personne. Le profil fin, elle portait autour d’elle un regard empreint de méditation  et sa manière d’être était si simple dépourvue de ses artifices  que la femme moderne affichait avec une assurance insolente. Ce qui l’avait séduit particulièrement est sa réserve et sa pudeur, toute autre sauvé par Paolo Di Balme aurait tout fait pour le conquérir. Il ne le savait que trop bien, les filles de bonne famille de Venise n’avaient plus la retenue de leurs grands-mères quand elles avaient l’âge des roses.