Le lendemain, Jouhaira attendit patiemmement l'appel de sa lointaine cousine, enfin celle-ci quelques minutes avant le déjeuner lui annonça:

Alhamdullillah, Ami AlHaj Joumoua consent à vous recevoir, au contraire il est ravi de votre visite, seulement il veut éviter de parler du passé avant mon arrivée dans votre famille t .

-Baraka Allah fiki, chère Rajâa, on se retrouve inshâallah tout à l'heure.

A l'heure dite, la rencontre se fit entre les deux cousines et le fils de l'une d'elle. Jouhaira remercia Allah pour lui avoir permis à travers cette aventure de revoir sa cousine Rajâa.-i

-C'est une telle joie, fit-celle-ci.

Hochant la tête, Jouhaira approuva pleinement. Aïd connaissant de loin cette parente, la salua.

Durant tout le trajet, c'était le silence, chose étrange, elles avaient tant à se dire mais elles avaient reportés d'un commun accord à plus tard l'épanchement. A leur arrivée, Rajâa fut mise au courant des derniers évènements par Jouhaira, elle fit le  ton assuré en l'apprenant:

-Eh bien! c'est définitif, il s'agit bel et bien d'un enfant.

La fille de l'ancien voisin, Zohra leur fit un accueil touchant, il y avait des années que Jouhaira et elle s'étaient perdue de vue.

Avant d'entrer dans le salon, Zohra avait avertit Jouhaira:

-Mon père avec l'âge est devenu dur d'oreille, donc il faut que tu élèves ta voix en lui parlant.

Jouhaira acquiesça.

Près d'un porte fenêtre Hajj Joumoua était assis, souriant aux visiteurs, il répondit à leurs saluts par des hochements de tête satisfait:

-Bienvenue à nos anciens voisins, finit-il par dire.

La voix encore vigoureuse, il s'enquit de leurs nouvelles. Regardant attentivement Aïd, le vieillard ajouta:

-Votre fils, ma fille Jouhaira ressemble d'une manière frappante à son grand-père

Cette dernière souriante, fit:

-Vous avez raison ami Al-hajj.

Puis après une longue inspiration et prenant son courage à deux mains, Jouhaira déclara d'une voix sonore:

-Ami Alhajj, je vous prierai de m'écouter et d'accéder à ma demande au nom d'Allah le Miséricordieux...s'interrompant, elle leva un court instant son regard sur le vieillard, il était tout ouï, poursuivant, elle reprit:

-Dernièrement une personne m'envoya une photo, cette photo une partie de son contenu existe dans une autre photo que comporte un vieil album de notre famille et nous avons découvert après d'âpres recherches, une petite valise dedans des habits d'enfants dont voici un spécimen...

En disant cela, elle avait sortit de son sac, le petit tablier aux broderies délicates. A sa vue, le père de Zohra fut pris d'une vive émotion. Un silence régna dans la salle de séjour, allongeant la main, il demanda à tenir le vêtement.

Volontiers, Jouhaira le lui donna.

Le saississant, il le regarda longuement. Tout le monde étaient suspendu à ses lèvres:

-Ma chère Fille Jouhaira, en faite ma fille Zohra m'a raconté la plus grande partie de votre enquête, je sais qu'une photo vous est parvenu à l'aide d'un de ces systèmes bizarres que la technologie de nos jours fournit aux gens, commença Ami Joumoua mais j'ai un grand scrupule à parler, votre père défunt Allah yrahmou ne vous a rien dit et un jour dans un grand accès de douleur, il m'a dit ceci "Joumoua je te prierai de ne jamais divulguer ce secret à mes enfants."

-Ami Joumoua si ce secret est honteux ne le dites pas mais s'il ne l'est pas je vous en conjure au nom d'Allah, dites le nous! mon père, vous venez de le dire était dans un grand moment d'affliction quand il vous a demandé de faire cette promesse donc, vous n'êtes pas tenu moralement de vous en tenir à cette promesse. Au nom d'Allah, je vous en prie révéléz-nous ce secret. 

Zohra intervint à ce moment:

-Baba, je t'en prie dis leur la vérité.

Le vieux monsieur fixa pendant un moment ses visiteurs puis se décidant enfin, il déclara:

-C'était un jour triste et joyeux à la fin, le jour de l'arrivée de Rajâa et puis n'ayez crainte ma fille Jouhaira ce n'était pas un secret honteux, ce qui s'est passé au lendemain de l'indépendance de Al-Djazaïr, mais c'est un secret si douleureux, si horriblement triste, il a trait à une tragédie qu'on vécut vos parents.

Personne ne parla,  guettant la suite.

Triste parce que Rima a été confié aux Mailleux, le couple est venue la chercher très tôt le "matin de l'arrivée de Rajâa, mon ami et voisin Kheirudinn n'a eu que le temps de se resaissir pour  te recevoir à bras ouvert Rajâa, tout le monde s'est efforcé de se contenir et ont dissimulés leurs larmes. Et enfant, Rajâa, tu as tout de suite détendu l'atmosphère avec tes rires sonnants et tes gambaderies."

Les yeux embués de larmes, Jouhaira fit lentement d'une voix tremblante

Qui est Rima ?

Hajj Joumoua se tint silencieux un moment, elle allait renouveler sa question quand d'une voix tranquille, il fit :

-La fille handicapée de mon voisin Kheiruddin, votre soeur ainée à vous Jouhaira.

Un silence de plomb tomba sur l'assistance.

 Pâle, Jouhaira réalisait enfin l'ampleur de la découverte. Ce passé de brouillard, cette souffrance inommable qui revenait par intervalle irrégulier, et enfin, enfin, cet photo de l'instagram!!

-Nous n'avons jamais rien su...fit-elle.

Rajâa l'air assommée n'en revenait pas.

-Pourquoi personne n'en a parlé toutes ces années ni du vivant de mes grands-parents ni après leurs morts ?Interrogea Aïd l'air très pâle.

Hajj Joumoua s'adressant à sa fille:

Répété moi ce que vient de dire le fils de Jouhaira ?

Elle s'exécuta:

-Je crois deviner la raison du silence, fit le vieillard.

Tous les yeux fixés sur lui, on attendaient. Un autre silence retomba, le regard encore vif de Hajj Joumoua se posa sur une photo montrant la vieille Casbah:

-Parce que c'était la guerre d'indépendance et les Mailleux on trahis la confiance de Kheiruddine, un homme tout ce qu'il y a d'honnête et de droit. Rima était née sourde muette et le couple de pied-noir chez qui ton père travaillait, Jouhaira, lui avait promit de la soigner en France, ils étaient partis bien avant le cessez-le-feu et le référendum. Ce couple n'a jamais eu d'enfant et ont vendus tous leurs biens, y compris votre maison familiale, Kheiruddine l'a

leur acheté à bas prix. Les Mailleux sont partis, durant les premiers mois, ils donnaient des nouvelles de Rima mais avec le temps, leurs lettres s'estompaient et même quand Kheiruddin est parti pour la France deux ans après le départ de Rima, il était allé à sa recherche, il n'a découvert aucune trace des Mailleux. Fausse adresse, il a malgré tout déposé une plainte à la police Française mais il n'a jamais pu je crois suivre les démarches, à court d'argent et il devait penser à faire vivre sa nombreuse famille.

 Atterrés, Jouhaira, son fils et Rajâa gardaient un silence accablé.

Un autre long silence survint, enfin brisés par la voix de Hajj Joumoua:

"C'est le destin et ce que Allah décréte dans sa sagesse, nous ne pouvons nous en défaire."

Après un long silence, Jouhaira fit :

-C'est étrange, je suis la quatrième de la fratrie, j'ai un frère aîné et une soeur aînée, ils ne se souviennent pas de Rima ni moi d'ailleurs, comment expliquez vous cela Ami Al-Hajj Joumoua:

- C'est normale, ma chère fille, Issam avait quatre ans et ta soeur Jawida avait deux ans et toi tu avais un an, alors que Rima avait cinq ans et comme elle était sourde muette, on ne lui permettait pas de sortir dehors ni d'être avec vous tout le temps, car il y avait un grave problème de communication entre vous et elle.

En revenant, à leur appartement ce soir là, Jouhaira exprima sa gratitude à Rajâa:

-Sincèrement, merci, ton aide nous a été si précieuse que je t'en suis éternellement redevable.

-En faite, je n'ai été que la main d'Allah comme on a coutume de le dire mais tu dois savoir, que Zohra elle-même n'en savait rien elle aussi et tu l'as vu, elle était aussi choquée que nous

Cette nuit là, Jouhaira fut gré à son fils de son silence. 

Le lendemain, ils prirent le petit déjeuner, à la fin Aïd fit:

-Je dois partir à l'université Mama, que préconises-tu pour retrouver tante Rima ?

--Je dois connaître l'identité de la personne de l'instagram, si c'est Rima, bien entendu nous entrerons en contact avec elle mais avant tout il faut apprendre la terrible nouvelle à mes frères et soeurs.

Aïd sourit:

-Allons mama, ce n'est pas une terrible nouvelle, retrouver une soeur dont on n'a jamais soupçonné l'existence est un bienfait du ciel.

Jouhaira s'efforca de sourire. Après le départ de Aïd, elle repartit à son travail non sans avoir envoyée six sms à la fratrie.

Durant le trajet, elle regardait défiler les rues et les placettes l'air absent, tout à coup un bip de son portable la tira de ses songeries.

Immédiatement et avec une hâte fébrile, elle prit l'appareil, l'ouvrant, c'était la même photo de instagram mais avec une question:

"Me reconnais-tu ?

Elle envoya une réponse:

-Oui, est-ce toi Rima ?

-Oui.

Faisant violence sur elle-même pour retenir ses larmes, Jouhaira écrivit ces mots:

"Ma soeur chérie Rima, envoie moi ton numèro de téléphone, je suis dans un bus, dés que j'arrive à ma destination, je t'appelerai."