-Merci, dit-elle simplement et raccrocha. Fedok, au sortir du bureau du gouverneur prit la direction de sa maison. Situé dans la haute Nassérah-Illit, la ville moderne crée par les juifs Israéliens dans les années 50. Il conduisait, l’air totalement ailleurs. Lisa, physicienne rentrée aujourd’hui d’une de ces missions de travail, lui avait manquée énormément ces dernières semaines, et à la perspective de la revoir tantôt, il se sentait réconforté. En dépassant le seuil du hall d’accueil de sa maison bâtie tout en largeur, sans étage, Fedok alla directement à la salle à manger. Debout Lisa l’attendait. Le déjeuner partagé en silence, il vit sa femme s’animer au dessert  :

-Sam, j’ai une nouvelle bonne pour moi, mauvaise pour toi, déclara-t-elle .

Un vent de panique l’envahit, d’avoir Lisa de l’autre côté de la table bien en chair et en os, de redécouvrir la beauté de ses yeux, le charme de son sourire, le brillant poli de ses cheveux tombant raides sur son cou, de l’avoir étreint tout à l’heure à son arrivée lui avait fait comprendre combien cette femme est pour une grande part dans son bonheur, un bonheur exclusivement conjugal et humain ; son métier ne lui procurait ni plaisir ni contentement. Il est un militaire et dans la hiéarchie militaire, le bonheur ne signifiait rien .

-Sam, m’écoutes-tu ? Fit de nouveau Lisa .

-Oui., finit-il par dire. La jeune femme dévisageait son mari avec une sollicitude qui le bouleversa :-J’ai été mutée au Néguev, région 6, section verte, dit-elle. Lisa était allée droit au but. Il n’était pas homme à apprécier les détours et contours détaillés, “Mutée ”Cria une voix dans son esprit. Ce qu’il avait redouté le plus venait de se produire. Une volonté  supérieure avait décrète la séparation par consentement mutuel de Sam et Lisa Fedok, il n’avait ni le droit ni le pouvoir bien qu’il voulait opposer son refus. Lisa attendait en expectative. Se levant de table, Sam vint vers elle. La prenant par la main il l’entraîna dans un petit salon attenant à leur appartement. la faisant asseoir, il s’installa près d’elle :-Lisa, je te l’ai dit rarement ou peut-être jamais, mais je voudrais que tu saches ceci sans toi, la vie est un tombeau, dit-il. Un silence interminable s’écoula. Enfin Elisabeth Born Fedok le rompit:-Qu’est ce qui ne va pas ?    

-Tu sais mieux que personne que je déteste parler de mon travail, fit-il en lui tournant le dos.

-Si, tu vas m’en parler. Dans 48h je pars, ce sera une longue, une insupportable séparation de plusieurs années Sam . Dieu sait quand on se reverra, je t’en prie parle.

Le ton employé par sa femme finit par le persuader de s’ouvrir à elle. Il le fit et ne le regrette point. Lisa regardait son mari avec des yeux nouveaux. Sam était réellement un homme seul dans son métier ; un soupçon vieux de quinze années venait de se confirmer par la bouche de son mari. L’effarement où le plongea le récit de Fedok eut vite fait de s’estomper.

-Promet moi de démissionner dés que tout cela prendra fin, tu as atteint l’âge où tu as droit de disposer de ta carrière comme tu le souhaites, dit-elle .

-Cela ne prendra pas fin, et quand bien même je démissionnerai, je sais que je serais en but à toutes les tracasseries et aux petits complots qui tuent à petit feu. Tout notre système est à base de ruse, de fourberie. C’est insensé ! Nous ne ferons pas long feu ainsi, fit Fedok écœuré.

Ebahie un instant, sa femme observa :-Le système ? Quel système ? Notre état s’est crée a partir d’une réalité bafouée, comment pourra-t-il se maintenir sans ce recours systématique à la ruse ?

Le lieutenant-colonel posant un regard lucide sur la jeune femme esquissa un faible sourire :

-Une réalité bafouée ne sous-entend pas qu’elle est inexistante. Elle existe et sa vie certainement un jour prochain aura raison de nous  ! Lisa ! N‘y  pense plus, ni moi ni toi ne sommes désignés par le destin pour changer quoi que ce soit.