Il y a dans la nature humaine un amour passionné pour l’éternité. L’être humain, dans sa pensée psychique, voit dans chaque chose qu’il aime une sorte d’éternité, cela l’incite à aimer davantage cette chose. Lorsqu’il imagine ou voit sa disparition, il souffre profondément. Les souffrances résultant de toutes ces séparations expliquent les pleurs provenant de l’amour pour l’éternité. L’être humain ne peut aimer sans cette représentation psychique imaginaire de l’éternité des choses. Nous pouvons même dire que la raison de l’existence du monde éternel et du paradis est cette supplication générale et naturelle émanant du désir puissant d’immortalité et d’éternité provenant de l’amour pour l’éternité ; Dieu l’Éternel et le Détenteur de la Majesté a accepté cette supplication générale, influente et puissante traduisant un désir ardent pur et inébranlable ; Il a créé un monde éternel pour les mortels. Puisque l’être humain est amoureux de l’éternité, il est évident que toutes les perfections et tous les goûts dépendent de l’éternité. (3ème Éclat de la Collection des Risale-i Nur) L’éternité est un concept qui dépend d’un plan ayant un commencement et une fin et du Jugement dernier. Elle ne peut être saisie par la perception humaine dans ce bas monde car la raison juge à partir de ce qu’elle voit et ce qu’elle vit. Bien qu’il en soit ainsi, il y a dans la nature humaine une très forte tendance pour l’éternité dont l’existence a été renforcée par les déclarations divines. 

Le fait que l’être humain s’attache aux choses comme si elles allaient durer infiniment montre sa tendance pour l’éternité.

Nous sommes humains, nous sommes mortels, c’est une réalité, mais le désir de l’au-delà que ressentent de temps en temps nos cœurs et nos esprits nous font croire que les choses auxquelles nous sommes attachées sont éternelles. Quand arrive le moment de la séparation, un cri de douleur retentit et brise le silence profond. Ces cris de désespoir ne sont pas vains, ils sont même une bonne chose s’ils permettent d’approfondir cet amour pour l’éternité et d’ouvrir de nouveaux horizons renforçant la réflexion et l’adoration.

Lorsqu’il voit les choses qu’il aime disparaître peu à peu, les jours et les semaines filer, les couleurs se ternir, les voix mélodieuses produire un son désagréable, les visages lumineux comme la lune s’enlaidir, l’être humain attristé dirigera son regard vers l’au-delà. 

Hélas, une nouvelle feuille vient de tomber de mon arbre de vie, regarde… le soleil se couche encore. Il se lèvera de nouveau le matin. Mais ce cycle s’achèvera un jour. Un jour viendra, le soleil ne se lèvera plus, et toute l’existence ouvrira les yeux sur une toute nouvelle vérité. 

Cette vérité nous mènera-t-elle vers une lumière éternelle ou une obscurité infinie ? C’est la question la plus cruciale qu’il faut se poser.

Quel bonheur si le goût âpre des disparitions et des séparations auxquelles nous avons assistées dans notre proche entourage stimule le désir de l’éternité qui est en nous !

Nous sommes éphémères, mais un désir ardent en nous est à la poursuite de l’éternité. Notre tendance innée pour l’éternité doit alors avoir un but qui s’étend au-delà de ce monde ; cela doit être la récompense de cet amour pour l’éternel qui se cristallise sous forme de supplications universelles.

Le Créateur n’a pas laissé sans réponse cet amour ardent pour l’éternel qu’ont développé Ses serviteurs mortels témoins des disparitions et de séparations difficiles. Alors que les efforts et les douleurs éprouvés dans ce monde ont une contrepartie, comment se pourrait-il que les efforts réalisés pour l’au-delà soient vains ! Spirituelle ou matérielle, chaque graine semée n’a-t-elle pas donné ses fruits ? Le fruit de ces semences d’éternité que nous ressentons en nous est le Paradis.

Chaque plaisir, chaque ferveur, chaque beauté, chaque désir a un interlocuteur. Le papillon représentant une beauté magnifique se pose de fleur en fleur. Qui sait quelle conversation, quel lien fructueux, y a-t-il entre ce papillon et la fleur sur laquelle il s’est posé !? Est-il possible de penser que cette beauté éblouissante du papillon puisse être dépourvue d’objectifs.

Chaque beauté est destinée aux regards sensés, chaque goût aux dégustateurs reconnaissants et chaque signification aux personnes de réflexion et d’action.

L’estomac de chacun d’entre nous réclame tout au long de son existence, dans son propre langage, de la nourriture afin de rester en vie. Le Créateur, le Tout Miséricordieux, ne laisse pas ces demandes sans réponse. Il nous accorde d’abord les plaisirs gustatifs pour ensuite créer et nous exposer des milliers de saveurs. Il nous invite à profiter des différents goûts dans le cadre de ce qui est licite. Tous les fruits, légumes, aliments qui se trouvent sur terre ont été créés pour nous.

Maintenant interrogeons notre égo : comment une Force qui pourvoit de manière si parfaite et si diverse à tous nos besoins de ce monde éphémère, pourrait-Elle laisser nos supplications et implorations concernant l’éternité sans réponse ?

« L’être humain aime l’éternité ! » Sous la pression de ce sentiment intense, il voudrait que le goût de chaque bienfait soit continuel, il fournira des efforts dans ce but. Mais en vain ! Car aucun bienfait, aucun plaisir de ce monde n’est éternel.

Quand il commence à perdre ce qu’il aime, soit l’être humain dévie vers la voie des plaintes dangereuses, soit il s’en remet à son Créateur et approfondit ses sentiments pour l’éternité.

Vivre dans l’insouciance, au sommet de la richesse, du pouvoir, de la célébrité, de la beauté et ressentir le souffle de l’éphémère jusqu’au plus profond de soi peuvent affaiblir l’homme ! Dans de telles situations, l’homme ressentant le souffle de la mort, endurera toutes sortes de difficultés pour vivre plus longtemps.

Nos relations avec nos proches, les beautés de notre entourage, les biens, les propriétés, la notoriété, le statut social, sont limités. Notre relation avec toutes ces choses et le plaisir d’en profiter nous rapprochent-ils un peu plus de leur sens originel. C’est ce que nous devons nous demander. Notre principal objectif est de « Tisser des liens avec L’Éternel, de s’accrocher à Ses noms ». Tout ce qui n’entre pas dans ce cadre sera vain et sans résultat.

S’accrocher aux plus beaux noms de L’Éternel, c’est atteindre l’éternité.

L’être éphémère acquiert une identité impressionnante après une éducation et une formation sur le chemin de l’éternité. « Toute chose dépensée sur le chemin de L’Éternel atteindra, en quelque sorte, l’éternité. » Ce que nous avons mangé et bu durant notre vie ont été consumés par notre corps. Pouvons-nous dire qu’il s’agit d’une fin inutile ? Chaque aliment a été élevé au rang de notre existence et est devenu une force dans notre corps, une lumière pour nos yeux. Si nous marchons sur le chemin de l’éternité avec notre force, notre vue et notre ouïe, notre réflexion et nos sentiments, notre existence matérielle, notre semence pour l’au-delà gagneront une existence éternelle. Allons-nous sombrer dans le désespoir en regardant notre existence matérielle se consumer peu à peu et se diriger tout droit vers la tombe ? Ou bien allons-nous saisir les occasions pour élargir notre monde éternel en réclamant de plus grands gains spirituels. 

Younous dit : « Celui qui s’attache à ce monde finira par le regretter ». L’être humain qui saisit par sa propre expérience que ce monde est éphémère, a compris le mystère de « L’Éternel, c’est Toi ». C’est avec la profusion de ce secret que nous pouvons prendre un chemin pour lequel nous n’émettrons aucun regret. Ainsi, pourrons-nous panser les plaies spirituelles laissées par les relations éphémères.

« Tu es le seul Éternel ! » Nous, nous sommes éphémères et impuissants. Tu exposes à notre perception toutes les richesses de l’univers, Tu souhaites que nous profitions de cela avec réflexion (fiqr), reconnaissance (Chukr) et invocation de Tes noms (dhikr). Nous mangeons et buvons de ce qui est licite. Ce que nous mangeons et buvons se mêle à notre corps et, avec notre regard, notre ouïe, devient « nous » en quelque sorte. Notre existence, qui tire sa force, son pouvoir, son ardeur, son plaisir de tous ces bienfaits, entreprend un voyage heureux vers l’éternité en se libérant des fardeaux de ce monde qu’elle doit supporter dans les limites d’une vie. « Ô mon Dieu ! Fais de moi un être qui est dans la bonne voie et non un être qui Te sollicite !  »

Ô mon Seigneur, le Très-Haut, Toi qui fais de si petites graines de si grands arbres, Tu crées et offres à Tes serviteurs de tels espaces et de tels paradis dans notre monde, qui n’est qu’une graine minuscule en comparaison avec l’univers. Ainsi, nous croyons de tout notre être que l’existence de toute chose animée ou inanimée renferme une sagesse. C’est pourquoi, nous ne pouvons dire de l’herbe dans les prairies ou de la pelouse de notre jardin qu’elles sont inutiles. Tout ce qui existe dans notre monde, qui avance à toute allure vers le monde éternel œuvre pour prouver la vérité de l’éternité. Si chaque personne entreprend un voyage de la manière qui lui est décrite pour atteindre la vérité, de grands développements spirituels fleuriront dans son monde intérieur. 

Si l’être humain mettait en œuvre tous ses moyens pour l’au-delà, ses efforts auront une valeur incomparable sur la balance.

Si chacun faisait de la réalité « je suis éphémère, je ne veux pas de l’éphémère » le principe essentiel de son âme, il aura déjà parcouru une importante distance sur le chemin de « voir l’éternité dans l’éphémère ».

Sa’id Türkoğlu est écrivain freelance.

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